Économie sociale et solidaire À La Planche, on travaille le bois pour créer du lien
Mis à jour le 10 octobre 2025
Série "En route vers le Forum mondial de l'Économie sociale et solidaire", du 29 au 31 octobre à Bordeaux - (Épisode 4/6).
La Planche est un atelier “bois partagé” niché au cœur du quartier Saint-Michel. Le tiers lieu accueille celles et ceux qui ont envie de travailler le bois, et permet également de créer des ponts entre plusieurs métiers souvent cloisonnés.
C’est une histoire devenue courante : celle d’un ingénieur et d’un architecte qui, rapidement après la fin de leurs longues études, comprennent que leur carrière ne leur apporte pas le bonheur. “On a vite eu le même constat : nos métiers manquaient de sens”, raconte Clément Belin, l’ingénieur de l’histoire.
À l’école du Bois, dans les Vosges, il rencontre Victor du Peloux, architecte, en 2017. Tous deux sont alors en reconversion vers un métier plus manuel. “On avait besoin de nous reconnecter avec nos mains pour faire un truc qui alimente l’entièreté de nos corps.”
Pas une menuiserie classique
De cette rencontre est née, en 2019, La Planche, un tiers-lieu dédié au bois qui s’inscrit dans l’économie sociale et solidaire. “Le but, c’était surtout d’être en accord avec nous-mêmes, et il s’avère que nos valeurs entrent dans le cadre de l’ESS”, ajoute Clément Belin.
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C’est la durée moyenne d’utilisation d’une perceuse sur toute sa vie. “Mutualiser les outils permet aussi de limiter la consommation inutile.”
Hormis le bruit des machines et l’odeur du bois, La Planche n’a rien d’une menuiserie classique. Ses fondateurs la définissent comme un “atelier bois partagé”, avec deux particularités.
Déjà, dans cette ancienne carrosserie du quartier Saint-Michel se côtoient un atelier axé sur le faire au rez-de-chaussée et un espace de co-working centré sur le concevoir à l’étage, avec des architectes ou designers par exemple.
Rapprocher des métiers
“Dans le milieu du bâtiment, plusieurs métiers sont complémentaires mais ne se croisent pas, et ça crée des tensions, explique Clément Belin. L’architecte dessine un plan, les ingénieurs le récupèrent et râlent car ça ne correspond pas à leurs contraintes. Ils le modifient, puis l’artisan râle à son tour car ce n’est pas réalisable. Nous, on part du principe que le dialogue est la clé. Alors on a mis le co-working au même endroit que l’atelier, même si ça aurait été plus simple de l’installer ailleurs à cause du bruit des machines”, rigole-t-il.
L’idée est d’ouvrir le travail du bois aux citadins qui n’ont ni espace ni machines »
L’autre particularité est l’atelier ouvert au grand public : il accueille des cours ponctuels ou réguliers, ou sert à celles et ceux qui ont besoin d’un endroit où travailler le bois. “L’idée est d’ouvrir le travail du bois aux citadins qui n’ont ni espace ni machines, et de redonner de la place aux mains dans des vies trop cérébrales”, résume Clément Belin.
Ce jour-là, quatre personnes (dont une femme) s’affairent derrière les établis, casque sur les oreilles, concentrées sur la construction de petits meubles qu’elles ont imaginés. Victor du Peloux les conseille et les guide, sans jamais faire à leur place. “Ici, tout le monde a sa place, du néophyte au bricoleur confirmé, insiste Laura Iriart Trichelieu, coordinatrice de La Planche. À nous de nous adapter.”
Les participants repartent avec leurs créations : un bol tourné en deux heures, une table basse, une étagère sur mesure. “Beaucoup n’y croient pas au départ, et leur fierté en repartant est immense, sourit Laura Iriart Trichelieu. On peut venir juste avec une idée et de la motivation. Nous, on s’occupe du reste.”
Je ne savais pas ce qu'était l'économie sociale et solidaire ! Mais l'état d'esprit, je l'avais déjà.
Des projets fédérateurs
La Planche collabore aussi sur des projets sociaux et sort parfois de ses murs, pour aller à la rencontre de celles et ceux qui n’oseraient pas franchir la porte du tiers lieu. La liste est longue ; retenons les ateliers pour des personnes non-voyantes, du mobilier de cuisine fabriqué par les bénévoles de l’association Promofemmes, des interventions dans des écoles ou collèges, et même des chantiers participatifs dans des villages pour aménager l’espace place public.
À chaque fois, l’objectif reste le même : “fédérer autour d’un projet, créer du lien social à travers le faire, transmettre et valoriser les personnes. L’objet, au fond, n’est qu’un prétexte”, souligne Laura Iriart Trichelieu.
Je sais pourquoi je me lève le matin
“On a l’utopie de créer de l’autonomie chez les individus, pour une société elle-même plus autonome”, ajoute Clément Belin. Avec au passage un pari personnel réussi. “Je ne gagnerai jamais autant qu’en restant ingénieur, je n’aurai pas de voiture de fonction. Mais au moins, je sais pourquoi je me lève le matin.”