Culture urbaine Festival Connect, le monde du skate était à Bordeaux

Photo d'un homme qui skate sur une structure au sol dans la rue
Des modules de skate étaient installés cours du Chapeau Rouge. © Alexis Lacroix / @oeildalex

Ce vendredi 17 octobre 2025 dans l’après-midi, la cour Mably parlait anglais. Pour sa deuxième édition, le festival bordelais  Connect  a rassemblé près de mille acteurs du monde du skate, venus du monde entier. L’occasion de faire porter un œil sur Bordeaux version skate, ses innovations et son aura. Reportage au cœur de ce bouillon de culture sur planche.

Tommy est originaire de Haïfa, en Israël. Il étudie actuellement à Milan. Lorsqu’il a entendu parler de Connect, il a jugé indispensable de faire le déplacement. Non seulement il trouve la ville  superbe , mais en tant que skateur de la première heure, il juge la ville fort accueillante pour ses quatre roues.

Pourtant, il vit à quelques kilomètres de Tel-Aviv, ville classée par un magazine spécialisé dans le top 10 mondial des villes de skate, comme il s’enorgueillit à le souligner. Avant d’ajouter rapidement :  Bordeaux devrait y figurer aussi 

Un ancrage historique

C’est pendant la conférence de l’universitaire Baptiste Pointillard que Tommy s’est confié. Durant cette intervention, un public attentif a appris que les premiers skateurs étaient arrivés à Bordeaux en 1976. Ce n’est donc pas une histoire de tendance, mais bel et bien un ancrage historique, qui s’explique par la proximité de villes de surf, comme Lacanau. 

La cour Mably était l'épicentre de l'événement. © Alexis Lacroix / @oeildalex

Si Los Angeles est jumelée à la capitale girondine, ce n’est sans doute pas un hasard. Il y a peut-être sur Venice Beach la même douceur de vivre que l’on retrouve sur les quais et au miroir d’eau, grands  spots  de skate. Pourtant, à l’époque, la pratique est considérée comme marginale, voir interdite. Il aura fallu de nombreuses décennies, ainsi que des prises de conscience des deux côtés (institutions et skateurs) pour que cette pratique de la glisse est le droit de « cité ».

Les discussions abordent aussi bien les enjeux urbanistiques que la sociologie du skate, questionnant la place du corps, du risque et de la liberté dans lespace public."

 Piano piano , les skatestoppeurs (dispositifs d’aménagement urbain empêchant la pratique) disparaissent. Les amendes se font de plus en plus rares. Et le terrain partagé devient lieu de convergence autant que de rencontres. Le  guide du skate en ville  est rédigé à l’initiative du skateur professionnel Léo Valls et de ses complices.

Un accueil à la pointe

Ils affichent tous de grands sourires à la sortie des conférences, tant cette pratique – à la fois sportive, artistique et citoyenne – semble trouver ici un terrain d’expression naturel.
Sous le soleil d’octobre, entre les projections, les ateliers et les sculptures  skateables  installées dans la ville, Bordeaux prend des allures de laboratoire à ciel ouvert. Dix œuvres en béton, cinq blocs de granit récupérés de l’ancien skatepark des Chartrons et une création de Skateistan jalonnent le parcours. 
 

Ici, on écrit la ville plutôt que de faire seulement un sport."

Conçues pour être à la fois contemplées et pratiquées, elles incarnent cette frontière abolie entre art et usage, entre urbain et sensible. Cette ouverture s’exprime aussi dans le fond : toutes les conférences sont traduites en direct via QR code, permettant aux participants venus d’Australie, du Japon ou du Maroc de suivre les échanges. Les discussions abordent aussi bien les enjeux urbanistiques que la sociologie du skate, questionnant la place du corps, du risque et de la liberté dans l’espace public. La dimension internationale est omniprésente : après Paris, Berlin ou São Paulo, Bordeaux s’impose peu à peu comme un hub du skate urbain. Entre deux « tricks », on entend : « Ici, on écrit la ville plutôt que de faire seulement un sport. » Une phrase qui résume sans doute l’esprit de Connect : celui d’une ville qui glisse, qui réfléchit et qui se relie.

Entretien avec Léo Valls

Trois questions au skateur professionnel bordelais.

Le cocréateur du festival Connect, Léo Valls. © Alexis Lacroix / @oeildalex

Connect est la vitrine et le laboratoire du « skaturbanisme ». Quelles transformations concrètes avez-vous pu observer à Bordeaux depuis la légalisation du skate dans l’espace public ? 

Déjà une modification de l’espace public avec des aménagements calibrés et surtout partagés, à l’image de la place André Meunier, la terrasse Koeing (Mériadeck) et également les sculptures éphémères qu’on met en place tous les ans. L’idée, c’est vraiment le partage. Ensuite il y a la partie médiation et on se rend compte qu’il y a dorénavant davantage de respect de la part des skateurs et des riverains. Le skate fait partie de la ville aujourd’hui. 
 

Une pratique qui mêle activité physique, rendez-vous, amitié de groupes, arts, activités créatives vie au grand air, tout ce qui définit le skate, ne peut que faire du bien."

Le festival mêle art, architecture, urbanisme et pratique du skate : selon vous, qu’est-ce que le skateboard apporte de singulier à la réflexion sur l’espace public ou le collectif ?

Le skateboard est un véritable levier pour traiter et développer des sujets de société de manière positive : déjà, je pense qu’il y a la question de la santé mentale. Une pratique qui mêle activité physique, rendez-vous, amitié de groupes, arts, activités créatives vie au grand air, tout ce qui définit le skate, ne peut que faire du bien. 

En tant que skateur pro, vous avez parcouru le monde, maintenant c’est le monde qui vient à Bordeaux. En quoi la ville est-elle une capitale du skate ?

J’ai toujours été fier de ma ville. J’ai vécu aux Etats Unis, au Japon où la pratique est ancrée, mais différente selon les cultures et l’urbanisme. En ce qui concerne Bordeaux, les acteurs en font le rayonnement (école, pros, skateparks, artistes…) C’est grâce à cet écosystème associé à la démarche du  skaturbanisme  que Bordeaux est un beau terrain de jeu et d’accueil pour les skateurs.

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