Les Trois M

Figures emblématiques du patrimoine intellectuel bordelais

Montaigne, 1533-1592

Portrait de Montaigne
par Thomas de Leu
Frontispice des Essais, 1608
Magistrat au Parlement de Bordeaux de 1557 à 1570, Maire de la Ville de 1581 à 1585, Montaigne a imprimé une date particulièrement importante dans l'histoire mondiale de la pensée avec la première édition des «Essais» en 1580.

Fleuron des collections patrimoniales de la Bibliothèque, le fameux exemplaire de l'édition de 1588 – connu sous le nom d'Exemplaire de Bordeaux – sur lequel l'auteur a accumulé corrections et additions jusqu'à sa mort en 1592 est le seul manuscrit de ce texte parvenu jusqu'à nous, grâce aux confiscations opérées dans le Couvent des Feuillants où il avait été déposé par la veuve de l'écrivain.
Justifiant la valeur universelle de l'oeuvre de Montaigne et son importance pour l'humanité tout entière, le 18 mai 2023 l'Unesco a inscrit au prestigieux registre Mémoire du Monde "L'exemplaire de Bordeaux".
« Exemplaire de Bordeaux » : livre 3,
annotations autographes de Montaigne
Autour de cette pièce unique et inestimable, s’articule le fonds Montaigne le plus riche qui soit dans des collections publiques : il comprend le panorama de toutes les éditions et traductions des Essais, publiées de son vivant et post mortem, l’Ephéméride de Beuther désigné sous le nom de «Livre de Raison», annoté par plusieurs générations de la famille Montaigne (acquis en 1951), le «Terrier» ou registre de pièces notariales contenant tous les titres de la Maison de Montaigne, et enfin 28 livres de sa fameuse «Librairie», tous revêtus de sa signature autographe. Le dernier, un ouvrage de droit romain imprimé à Bâle en 1565, a été acheté en vente publique en novembre 2003.

Montesquieu, 1689-1755

Montesquieu, médaille d'argent gravée
en 1752 par J. Dassier «ad vivum»
Charles Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, a exercé comme son prédécesseur des charges au Parlement de Bordeaux. Il s’est très vite imposé comme un membre très influent de la jeune Académie royale. Cette situation explique la présence de textes manuscrits dans les collections originelles de la Bibliothèque : discours de réception, dissertations, mémoires ...
Les suivants y sont entrés par voie d’achat en 1939 : les trois volumes de «Réflexions et Pensées» (Ms 1866), le «Spicilège» (Ms 1867) et trois lots de Correspondance, totalisant près de 300 lettres (Ms 1868 et 1869) ; ils ont été suivis en 1951 grâce à un don de l’Etat, d’un ensemble de lettres adressées par Montesquieu à Latapie, juge de la Baronnie de la Brède (Ms 1913).
Lettre signée de Montesquieu
adressée au père de son secrétaire
14 janvier 1747 Ms 2177
C’est en 1994, avec la dation de Madame de Chabannes, descendante directe du philosophe et propriétaire du Château de la Brède que le fonds connaît un accroissement exceptionnel avec l’arrivée de l’ensemble de la bibliothèque de la Brède (manuscrits et imprimés ayant appartenu aux ancêtres de Montesquieu, à lui même et à ses descendants) et de toutes les archives de la seigneurie depuis le 13ème siècle. L’intégration de ce fonds considérable a donné lieu à deux publications importantes de Louis Desgraves : «Inventaire des documents manuscrits des fonds Montesquieu de la Bibliothèque de Bordeaux» (Droz, 1998) et «Catalogue de la bibliothèque de Montesquieu à La Brède» (Université, 1999). Cet apport de sources souvent inédites a érigé la Bibliothèque de Bordeaux en lieu de références incontournable sur l’auteur de «l’Esprit des lois».

Mauriac, 1885-1970

Mauriac posant devant
le buste de Racine,
à qui il a consacré une étude (1928)
En ayant pris le parti de donner l’essentiel de ses manuscrits à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, ce fils de Bordeaux qui a conquis la gloire à Paris, a peut-être voulu affirmer son appartenance à l’histoire littéraire de son siècle. Les liens maintenus avec sa ville natale et la terre toute proche de Malagar où sa famille possédait un domaine ont cependant suscité à Bordeaux une politique d’acquisition très soutenue dès le début des années 70, avec l’achat des deux manuscrits de «Claude» et des «Beaux-esprits de ce temps», puis en 1983 et 1985 de ceux du «Désert de l’amour» et de «Génitrix».
Page extraite du manuscrit
de La fin de la nuit,
suite de Thérèse Desqueyroux
Cette démarche a été régulièrement encouragée depuis par la générosité de ses proches : Madame François Mauriac en a donné l’impulsion avec la remise des deux manuscrits et du tapuscrit du fameux discours prononcé par François Mauriac au Grand Théâtre de Bordeaux en 1965. Depuis l’année du centenaire, dons et achats se sont succédé : correspondances, agenda, articles de presse, états successifs de textes («Les Mains jointes»), manuscrit de «Thérèse à l’autel», celui de «La Fin de la nuit» (acquis en 1999), donnant au fonds une dimension appréciée par les chercheurs mauriaciens venus de tous les horizons.