Après l'inauguration du pont : Simone Veil, une figure de la Ve République et une survivante de la Shoah

Publié le 8 juillet 2024


À Bordeaux, l'égalité c'est toute l'année ! Retrouvez au fil des mois, une série de portraits autour de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Épisode 5 :  Retour sur la figure de Simone Veil (1927-2017) avec Didier Chauvet, auteur de "Simone Veil, un parcours dans la Shoah" (Editions L'Harmattan, 2022) et bibliothécaire girondin, alors qu'est inauguré un nouveau pont au-dessus de la Garonne, portant son nom.
Le pont Simone Veil, qui relie le boulevard Jean-Jacques Bosc à Floirac, a été inauguré ce samedi 6 juillet 2024.
Le pont Simone Veil, qui relie le boulevard Jean-Jacques Bosc à Floirac, a été inauguré ce samedi 6 juillet 2024. © Bordeaux Métropole

L'ancienne ministre de la Santé, devenue une figure intemporelle du féminisme en ayant porté la Loi dépénalisant l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en 1975, est aussi une survivante d'Auschwitz où elle y a perdu une grande partie de sa famille. Un moment fondateur de son engagement militant.

Ce samedi 6 juillet, l'inauguration officielle du pont Simone Veil a définitivement noué un nouveau lien entre les deux rives, contribuant au rapprochement entre habitants de l'agglomération. Sur ses 44 mètres de large et 549 mètres de long, il pourrait même devenir un lieu de vie d'un nouveau genre.

Choisi au moment du décès de Simone Veil en 2017, le nom de ce 6e franchissement urbain porte les valeurs de la grande femme politique qu'elle fut. Celle qui a oeuvré pour la réconciliation franco-allemande et les Droits des femmes notamment. Retour sur un parcours marqué par sa traversée de la Shoah, avec l'auteur Didier Chauvet, bibliothécaire à la Médiathèque de Mérignac et auteur d'un ouvrage de référence sur la déportation de Simone Veil et de sa famille.

Le nouveau pont présente des proportions imposantes : 44 mètres de large pour 545 mètres de long.
Le nouveau pont présente des proportions imposantes : 44 mètres de large pour 545 mètres de long.

Le choc de la déportation

"Je suis un spécialiste du nazisme (auteur de 12 livres sur le sujet, NDLR) et de la Shoah. C'était difficile de ne pas croiser Simone Veil dans cette histoire. C'est à l'occasion d'une exposition installée dans ma Médiathèque, ‘‘Simone Veil : un destin'' (installée également à la bibliothèque Mériadeck fin 2021) que je m'y suis intéressé plus précisément. Son parcours politique était connu, celui au cours de la Shoah un peu moins", explique Didier Chauvet. Un choc qui fut pourtant fondateur de ses engagements futurs.

"Ce fut le parcours malheureusement ordinaire d'une jeune fille juive occidentale à cette époque, comparable à celui d'Anne Frank par exemple. » Arrêtée à Nice puis internée au camp de Drancy en 1944, Simone Jacob est déportée à Auschwitz avec ses parents, morts en déportation, et sa soeur Denise. Si son autre soeur Madeleine survivra à une autre arrestation, son frère Jean est également assassiné. "Si elle avait envie de parler de cette expérience après la guerre, elle a vite compris que la France n'était pas prête à entendre son récit." Ce n'est qu'en 1978, à la publication d'une interview d'un collaborationniste et négationniste exilé, que Simone Veil se saisit publiquement du sujet. "C'est le vrai élément déclencheur. Jusque-là, elle ne souhaitait pas se mettre en avant en parlant d'elle-même. Elle a dû forcer sa nature."

Militante de la réconciliation franco-allemande, elle martèle que le nazisme n'est pas une spécificité allemande mais aurait pu advenir ailleurs. Cette conviction guidera son engagement européen. Au sein du convoi 71 qui la mènera à Auschwitz-Birkenau, on trouvait notamment Marceline Loridan-Ivens et Ginette Kolinka, avec qui elle nouera des amitiés très fortes bien que leurs différences politiques étaient très grandes. "Elle passait au-delà de tout ça, malgré sa très forte personnalité", précise Didier Chauvet.
 

Un hommage pour une femme d'exception

Alors que le droit à l'avortement est parfois remis en cause dans certains pays, ses combats ne perdent pas de leur pertinence aujourd'hui. "Cette mise en avant (l'appellation du pont bordelais) entre un peu en contradiction avec son caractère. Mais Simone Veil est devenue un mythe, notamment auprès du mouvement féministe. C'est aujourd'hui un étendard pour beaucoup de femmes."

Une reconnaissance que le Maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, a partagé au coeur de l'inauguration du 6 juillet, en ces termes : "(Ce pont) rend hommage à une très grande dame qui fit de la lutte contre la discrimination des femmes et contre toute forme d'oppression le combat de sa vie. (…) Je voudrais partager avec vous un de ses propos : "Je ne suis pas de celles et ceux qui redoutent l'avenir.'' Elle signifiait ainsi que l'avenir n'est pas une menace mais une espérance. Tant il demeure vrai que le futur n'est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire."
 

La figure de Simone Veil a été choisie pour nommer le pont, en accord avec sa famille.
La figure de Simone Veil a été choisie pour nommer le pont, en accord avec sa famille.