Entretien Une attractivité confirmée

Une des rues commerçantes de Bordeaux
En 2024, la ville comptait 9131 commerces et services marchands (chiffres de la Chambre de Commerce et d’Industrie Bordeaux Gironde). © Charlotte Barbier - Bordeaux Métropole

William Ballue est le directeur général d’Invest in Bordeaux. Cette association de développement économique est une vigie pour observer la santé du territoire bordelais.

Un article extrait du magazine municipal "le mag Bordeaux" n°503

Ce numéro revient, en chiffres et en images, sur 5 années de réalisations municipales dans chaque quartier. 

Comment jugez-vous la dynamique économique de Bordeaux, après plusieurs années agitées par le Covid, la guerre ou la crise inflationniste ?

William Ballue : Jusqu’en 2015, nous avions une dynamique économique assez linéaire. Puis cette année-là, nous avons multiplié par deux les arrivées d’entreprises et les emplois générés. Ce boom économique était confirmé dans le bâtiment, l’immobilier, le tourisme. Un phénomène continu jusqu’en 2020 et la crise Covid. Le monde s’est alors arrêté. Depuis nous avons rattrapé ce retard localement en 2021, 2022, avec même une certaine effervescence. En 2025, nous sommes en avance par rapport à d’autres territoires, Bordeaux reste en situation de surattractivité. Les chiffres le font apparaître.

Comment placer Bordeaux dans la hiérarchie nationale ?

W. B. : En 2024, le nombre de projets d’investissements annoncés nous place à la 3e position nationale hors Paris, au coude-à-coude avec Marseille et Lyon. Nous avons enregistré 58 décisions d’investissement, représentant plus de 1 400 emplois programmés. On parle ici de projets d’envergure qui peuvent être des implantations, des extensions, des relocalisations, des acquisitions ou des prises de participation. Et si le ralentissement économique se ressent naturellement, Bordeaux reste un territoire attractif.

Quels sont les piliers de cette attractivité ?

W. B. : Il y a trois segments. L’attractivité économique, résidentielle et touristique. Aujourd’hui, Bordeaux réunit ces trois pouvoirs d’attraction. Et malgré les crises, cette attraction résiste et la Ville maintient son rang acquis il y a une dizaine d’années.

Invest in Bordeaux

Association loi 1901, Invest in Bordeaux a été créée en 1996 à l’initiative de la Ville de Bordeaux, la Communauté urbaine de Bordeaux (devenue Bordeaux Métropole), la Région Aquitaine et la CCI Bordeaux-Gironde. L’agence est également cofinancée par l’Union Européenne et compte près de 150 adhérents. Son Conseil d’administration est composé de représentants des pouvoirs publics et d'acteurs économiques.

Quels secteurs d’innovation se montrent particulièrement dynamiques ?

W. B. : Il y a bien sûr le numérique qui, malgré un léger tassement, est tiré par l’essor de l’intelligence artificielle et la cybersécurité. Mais les secteurs en plein boom sont l’aéronautique, le spatial et la défense, poussés par les enjeux de l’aéronautique verte. Mais aussi l’armement, tiré par le contexte géopolitique international. Le secteur de l’énergie draine beaucoup de projets. Enfin, la santé fait plus que résister, avec les établissements de soin jusqu’au secteur pharmaceutique et à la biotech notamment, souvent en lien avec le campus universitaire.

Dans ce domaine, le plan de rénovation globale du Centre Hospitalier Universitaire annoncé en mai est une bonne nouvelle ?

W. B. : Ce n'est pas seulement un bon signal pour le secteur de la santé, c'est un bon signal aussi pour tous les acteurs qui vont bénéficier de ce chantier pharaonique, à commencer par le BTP. La dynamique et les investissements du CHU sont des catalyseurs du développement économique local. La formation est d’ailleurs très stimulée aussi. Bordeaux reste une capitale régionale étudiante, de la recherche académique et privée.

La création d’entreprises reste donc stimulée ?

W. B. : Une récente étude de la Banque publique d’investissement (Bpifrance) montre que la Gironde reste l’un des 7 départements français les plus dynamiques dans ce domaine. Bordeaux se maintient parmi les trois villes dont la progression est la plus forte entre 2023 et 2024. Ces chiffres montrent que Bordeaux reste dynamique. En dépit des niveaux de croissance, on tire même notre épingle du jeu en attirant des projets très valorisants pour le territoire au niveau technologique, comme celui de Kapsera, récemment installée dans le secteur Bordeaux nord, qui développe des molécules favorisant la croissance des plantes, de manière 100 % naturelle.

Vrai ou faux ?

La piétonnisation des centres-villes nuit au commerce.

Faux. À Bordeaux, le secteur piéton a été agrandi de 172 à 259 hectares en 5 ans, or on constate dans les rues commerçantes du centre-ville une augmentation de la fréquentation de 5 % en décembre 2024 par rapport à décembre 2023 ! De nombreux experts montrent que l’enjeu aujourd’hui est surtout de faire concurrence au commerce en ligne. Pour favoriser la fréquentation des commerces physiques, il faut une expérience client attractive, avec des centres-villes piétons, des parcours qualitatifs entre les parkings et les commerces, des espaces ombragés et dotés de jeux pour enfants… Ce à quoi Bordeaux s’attelle depuis plusieurs années.

Quelle part prend l’économie sociale et solidaire (ESS) dans cette dynamique ?

W. B. : Nous avons de nombreux projets dans l’ESS, qui touchent notamment aux domaines de l’insertion, des entreprises adaptées. Mais à mes yeux, l’ESS est partout. On oublie trop souvent les associations, les fondations, les coopératives, l’économie circulaire, le circuit court... Quand on fait le décompte, c’est 10 % des projets que l’on traite, avec une vraie montée en puissance.

Comment résumer le moment que traverse Bordeaux économiquement ?

W. B. : Ce qui fait le succès de Bordeaux est un savant cocktail : un mélange entre la qualité de vie que l’on trouve en ville, mais aussi à la campagne et les conditions économiques favorables au développement des entreprises, que ce soit en Gironde, ou plus largement en Nouvelle Aquitaine.